Contre ce principe evident C'est en vain qu'un censeur declame, Le mal ne se fait en riant.
Si de toi provient l'epigrame, Son tour heureux ne'est que plaisant Et ne nuit jamais qu'au mechant Que sa conscience decele.
Nomme t-on la rose cruelle Lorsqu'un mal-adroit la cueillant Se blesse lui-meme au tranchant De l'epine qu'avec prudence Nature fit pour sa defense.
Tes simples et faciles jeux Prolongent dit-on notre enfance Censeur, que te faut-il de mieux!
Des abus, le plus dangereux, Le plus voisin de la demence Est de donner trop d'importance A ces chimeres dont les cieux Ont compose notre existence Notre devoir est d'etre heureux A moins de frais, a moins de voeux De l'homme est toute la science.
Par tes sons toujours enchanteurs Tu fais fuir la froide vieillesse Ou plutot la couvrant de fleurs Tu lui rends l'air de la jeunesse.
Du temps tu trompes la lenteur, Par toi chaque heure est une fete _Democrite_ fut ton Docteur _Anacreon_ fut ton Prophete; Tous deux pour sages reconnus, L'un riant des humains abus Te fit sonner dans sa retraite L'autre chantant a la guingette Te donna pour pomme a _Venus_ Apres eux ma simple musette T'offre ses accens ingenus Charmant Grelot, sur ta clochette Je veux moduler tous mes vers, Sois toujours la douce amusette Source de mes plaisirs divers Heureux qui te garde en cachette Et se pa.s.se l'univers.
_Le Printems._
Epitre a Mons. D----
Deja dans la plaine On ressent l'haleine Du leger Zephir; Deja la nature Sourit au plaisir, La jeune verdure A l'eclat du jour Oppose la teinte Que cherit l'amour Fuyant la contrainte, Au pied des ormeaux; Ma muse nave Reprend ses pipeaux; Sur la verte rive Aux tendres echos Elle dit ces mots.
Volupte sure Bien sans pareil!
O doux reveil De la nature!
Que l'ame pure Dans nos guerets Avec yvresse Voit tes attraits; De la tendresse Et de la paix Les doux bienfaits Sur toute espece Vont s'epandant, Et sont l'aimant Dont la magie Enchaine et lie Tout l'univers L'homme pervers Dans sa malice Ferme son coeur A ces delices, Et de l'erreur Des gouts factices Fait son bonheur La noire envie Fille d'orgueil, Chaque furie Jusqu'au circueil, Tisse sa vie.
Les vains desirs Les vrais plaisirs Sont antipodes; A ces paG.o.des Culte se rend, L'oeil s'y meprend Et perd de vue Felicite, La Deite La plus courue La moins connue Simple reduit Et solitaire Jadis construit Par le mystere Est aujourd'hui Sa residencei La bienveillance.
Au front serein De la deesse Est la Pretresse; Les ris badins Sont sacristains, Joyeux fidelles, De fleurs nouvelles Offrent les dons.
Tendres chansons Tribut du Zele, Jointes au sons De Philomele, De son autel Sont le rituel Dans son empire Telle est la loi, "Aimer et rire De bonne foy."
Cet Evangile Peu difficile Du vrai bonheur Seroit auteur Si pour apotre Il vous avoit; En vain tout autre Le precheroit.
La colonie Du double mont Du vraie genie Vous a fait don, Sans nul caprice Entrez en lice, Et de Pa.s.sif Venant actif Pour la Deesse Enchanteresse Qui dans ces lieux Nous rend heureux Donnez moi rose Nouvelle eclose: Du doux Printems Hatez le tems Il etincelle En vos ecrits, Qu'il renouvelle Mes Esprits.
Adieu beau Sire, Pour ce delire Le sentiment Est mon excuse.
S'il vous amuse Un seul moment, Et vous rapelle Un coeur fidelle Depuis cent ans, Comme le votre En tous les tems N'ai desir autre.
FABLE
_Les Aquilons et l'Oranger._
De fougeux Aquilons une troupe emportee Contre un n.o.ble Oranger exhaloit ses fureurs Ils soufflerent en vain, leur rage mutinee De l'arbre aux fruits dores n'ota que quelques fleurs.
MADRIGAL
Du tumulte, du bruit, des vaines pa.s.sions Fuyons l'eclat trompeur: a leurs impressions Preferons les douceurs de ce sejour paisible, Disoit un jour _Ariste_ a la tendre _Delos_.
Soit, repart celle-ci; mais las! ce doux repos N'est que le pis-aller d'une ame trop sensible.
QUATRAIN
Telle que ce ruisseau qui promene son onde Dans des lieux ecartes loin du bruit et du monde Je veux pour peu d'amis exister desormais C'est loin des faux plaisirs que l'on trouve les vrais.
REVERIE SUR UNE LECTURE.
Aux froids climats de l'ourse, et dans ceux du midi, L'homme toujours le meme est vain, foible, et credule, Sa devise est partout _Sottise et Ridicule_.
Le celebre Chinois, le Francois etourdi De la raison encore n'ont que le crepuscule Jadis au seul hazard donnant tout jugement, Par les effets cuisans du fer rougi qui brule On croyoit discerner le foible et l'innocent; A Siam aujourd'hui pareille erreur circule, Et l'on voit meme esprit sous une autre formule: Quand quelque fait obscur tient le juge en suspens On fait aux yeux de tous a chaque contendant D'Esculape avaler purgative pillule, Celui dont l'estomac repugne a pareil mets Est repute coupable et paye tous les frais.
Du pauvre genre-humain telles sont les annales: Rome porta le deuil de l'honneur des vestales, Du Saint Pere a present, elle baise l'ergot: Plus gais, non plus senses dans ce siecle falot Nous choisissons au moins l'erreur la plus jolie: De l'inquisition, le bal, la comedie Remplacent parmi nous le terrible f.a.got; Notre legerete detruit la barbarie Mais nous n'avons encore que change de folie.
ENVOI A MON MARI.
Tandis, mon cher, que tes travaux Me procurent ce doux repos.
Et cette heureuse insouciance But incertain de l'opulence; Mon ame l'abeille imitant Aux pays d'esprit elancee Cueille les fleurs de la pensee Et les remet aux sentiment.
Mais helas! dans ce vaste champ En vain je cherche la sagesse, Pres de moi certain Dieu fripon Me fait quitter l'ecole de _Zenon_ Pour le charme de la tendresse; "L'homme est cree pour etre bon Et non savant, dit il, qu'il aime, Du bonheur c'est le vrai systeme"
Je sens, ma foi, qu'il a raison.
DESCRIPTION
_De la terre dans laquelle j'habitois, adressee a un homme tres respectable que j'appellois mon Papa._
Que vous etes aimable, mon cher Papa, de me demander une description de ma solitude. Votre imagination est genee de ne pouvoir se la peindre.
Vous voulez faire de _Courcelles_ une seconde etoile du matin, et y lier avec moi un de ces commerces d'ames reserves aux favoris de Brama. Votre idee ne me perdra plus de vue, j'en ferai mon genie tutelaire. Je croirai a chaque instant sentir sa presence, ah! elle ne peut trop tot arriver, montrons lui donc le chemin.
Quittant votre cite Rhemoise, Ville si fertil en bons Vins, En gras moutons, en bons humains, Apres huit fois trois mille toises Toujours suivant le grand chemin, On decouvre enfin le village Ou se trouve notre hermitage.
La rien aux yeux du voyageur Ne presente objet de surprise, Pet.i.t ruisseau, des maisons, une Eglise Tout a cote la hutte du Pasteur; Car ces Messieurs pour quelques Patenotres.
Pour un surplis, pour un vetement noir En ce monde un peu plus qu'en l'autre Ont droit pres du bon dieu d'etablir leur manoir.
Ce debut n'est pas fort seduisant; aussi ne vous ai-je rien promis de merveilleux. Je pourrois cependant pour embellir ma narration me perdre dans de brillantes descriptions, et commencer par celle de notre clocher; mais malheureus.e.m.e.nt nous n'en avons point; car je ne crois pas que l'on puisse appeller de ce nom l'endroit presque souterrain ou logent trois mauvaises cloches. Elles m'etourdissent par fois au point que sans leur bapteme, je les enverrois aux enfers sonner les diners de _Pluton_ et de _Proserpine_.
On appercoit pres de l'Eglise, entre elle et le cure, une pet.i.te fenetre grillee, ceci est une vraie curiosite; c'est un sepulcre bati par _Saladin d'Anglure_, ancien Seigneur de _Courcelles_ il vivoit du tems des croisades, et donna comme les autres dans la manie du siecle. Il ne fut pas plus heureux que ses confreres. Son sort fut d'etre prisonnier du vaillant Saladin dont il conserva le surnom. Sa captivite l'ennuyant, il fit voeu, si elle finissoit bientot, de batir dans sa Seigneurie un sepulcre, et un calvaire a meme distance l'un de l'autre qu'ils le sont a Jerusalum. C'est aussi ce qu'il fit.
Quand par une aventure heureuse, Des fers du Vaillant _Saladin_ Il revint chez lui sauf et sain; Mais la chronique scandaleuse Qui daube toujours le prochain, Et ne se repait que de blame Pretend que trop tot pour Madame, Et trop tard pour le Pelerin Dans son Chatel il s'en revint.
Ce fut, dit on, le lendemain, La veille, ou le jour que la Dame, Croyant son mari tres benin Parti pour la gloire eternelle Venoit de contracter une hymenee nouvelle.
La tradition etoit en balance sur ces trois dates; mais la malignite humaine a donne la preference a la derniere, ensorte qu'il paroit tres sur que l'Epoux n'arriva que le lendemain.
Quel affront pour un chef couronne de lauriers!
Tel est pourtant le sort des plus fameux guerriers; Ceux d'aujourd'hui n'en font que rire Mais ceux du tems pa.s.se mettoient la chose au pis, Ils n'avoient pas l'esprit de dire Nous sommes quitte, et bons amis.
Pendant que vous etes en train de visiter nos antiquites courcelloises, il me prend envie de vous faire entrer dans notre reduit.
Quoique du t.i.tre de chateau, Pompeus.e.m.e.nt on le decore, Ne vous figurez pas qu'il soit vaste ni beau.
Tel que ces Grands que l'on honore Pour les vertus de leurs ayeux Pour tout merite il n'a comme eux Qu'un nom qui se conserve encore.
Ainsi pour vous en former une juste idee, ne cherchez votre modele ni dans les romans, ni dans les miracles de feerie. Ce n'est pas meme un vieux chateau fort, comme il en existe encore quelques uns dans nos entours.
Point, on n'y voit fosse ni bastion Ni demi-lune ni Dongeon, Ni beaux dehors de structure nouvelle, Mais bien une antique Tourelle Flanquant d'a.s.sez, vieux batimens Dont elle est l'unique ornement.
Un Poete de nos cantons a dit a.s.sez plaisamment en parlant de ceci.